L’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec célèbre ses 65 ans en 2021. Et bien que la profession soit réglementée depuis 1956 dans la Belle Province, son histoire remonte à bien plus longtemps!

L’influence de l’alimentation sur la santé est reconnue depuis l’Antiquité. Mais ce n’est que depuis une centaine d’années que la diététique possède un statut de profession autonome.

Les racines anciennes d’une profession moderne

À l’époque d’Hippocrate, c’est-à-dire plusieurs siècles avant Jésus-Christ, la diététique englobe autant l’alimentation que l’activité physique, l’air respiré, les bains, les passions et les « affections » de l’esprit. Aujourd’hui, on parlerait d’hygiène de vie ou de savoir-vivre, par exemple.

Jusqu’au 18e siècle, la médecine accorde une grande importance à l’alimentation dans la prévention comme dans la guérison de la maladie. Les principes diététiques sont alors de nature philosophique et empirique, mais ils reconnaissent néanmoins que les aliments et l’exercice physique favorisent une bonne santé.

La diététique devient une science

Vers la fin du 18e siècle, la diététique se transforme grâce à l’apport des sciences comme la physiologie et la chimie. Le concept de nutrition prend tranquillement forme. C’est à cette époque que Lavoisier, qu’on surnomme le « père de la chimie moderne », établit les bases de la calorimétrie et que des scientifiques mettent au point des techniques pour mesurer les besoins énergétiques et protéiques ainsi que la valeur énergétique des aliments. On découvre notamment que des maladies comme le scorbut et le rachitisme sont liées à l’alimentation, ce qui mène à l’identification des vitamines.

Cette transformation de la diététique sur des bases plus scientifiques modifie profondément le traitement des maladies liées à la nutrition. Elle donne naissance à des normes comme les Apports Nutritionnels de Référence (ANREF), qui sont à la base du travail des diététistes-nutritionnistes.

La diététique devient une profession

Les premières diététistes de l’ère moderne sont des économistes ménagères ou des infirmières. Elles s’occupent d’éducation nutritionnelle ou des régimes spéciaux dans les hôpitaux. En guise de formation, ces pionnières n’ont souvent qu’un stage de quelques mois en cuisine diététique ou un diplôme d’économie familiale (home economics).

Les premières écoles (ou départements) de sciences domestiques voient le jour vers la fin du 19e siècle et au début du 20e. Celles-ci sont souvent rattachées aux facultés d’agriculture. Les deux premières universités canadiennes à offrir ce type de programme sont l’Université de Toronto (1902) et l’Université McGill (1907). Dans les années suivantes, des hôpitaux canadiens instaurent des internats en diététique.

Au même moment, des entreprises comme Eaton embauchent des diététistes pour gérer leurs restaurants. Ces établissements commerciaux mettent sur pied, dans les années 1920, un internat spécialisé en gestion de services alimentaires.

La fondation d’associations aux États-Unis et au Canada

En 1917, l’American Dietetic Association voit le jour, et deux Canadiennes participent à sa fondation. C’est en 1935 qu’un regroupement est créé au Canada, soit l’Association canadienne des diététistes (ACD). L’ACD tient son premier congrès l’année suivante, puis lance son journal en 1938.

Le statut légal de la profession au Québec

Durant la Seconde Guerre mondiale, le Québec compte peu de diététistes. La situation commence à changer avec la création de programmes d’enseignement dans le domaine à l’Université Laval (1941) et à l’Université de Montréal (1942).

Dans les années 1950 et 1960, les effectifs de la profession s’accroissent et le type de postes se diversifie, notamment auprès de clientèles particulières avec des enjeux spécifiques, comme les femmes enceintes, les enfants et les résidents de milieux défavorisés.

En 1956, le gouvernement adopte la Loi des diététistes du Québec, ce qui fait de la province la première à accorder un statut légal à la profession. Les titres « diététiste » et « diététicien » lui sont désormais réservés.

La diététique connaît un essor spectaculaire durant les années 1960 et 1970. Le nombre de membres de l’Association des diététistes du Québec passe d’environ 150 en 1956 à près de 1000 en 1979-1980.

Les années 1960 marquent aussi l’arrivée des hommes dans cette profession jusque-là essentiellement féminine. N. B. : À l’heure actuelle, environ 3 % des membres de l’ODNQ sont de sexe masculin; c’est pourquoi l’utilisation du féminin est préconisée dans ses outils de communication.

Les changements de noms

L’Association canadienne des diététistes connaît son lot de transformations au fil des décennies. D’abord, en 1965, elle devient la Corporation des diététistes du Québec en se joignant au Conseil interprofessionnel du Québec (CIQ).

Avec l’adoption du Code des professions en 1973, elle change encore de nom et devient la Corporation professionnelle des diététistes du Québec. Le Code des professions impose alors à l’organisme des changements de structure afin de mieux remplir son rôle de protection du public.

En 1994, l’organisme prend à nouveau un autre nom, et devient l’Ordre professionnel des diététistes du Québec (OPDQ). Au même moment, le titre réservé de « nutritionniste » s’ajoute aux membres de la profession.

Ce nom reste le même jusqu’en 2021. Il change alors pour devenir l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec (ODNQ).

Les modifications au Code des professions

En 2002, la loi 90 précise le cadre réglementaire de la profession. Ce document, la Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé, redéfinit et actualise le champ de pratique des diététistes.

La loi 90 reconnaît un champ de pratique en deux volets aux diététistes-nutritionnistes :

1. La nutrition clinique, qui vise à adapter l’alimentation d’une personne afin de maintenir ou de rétablir sa santé;
2. La nutrition publique, dont l’intervention vise les familles et la collectivité.

La loi 90 reconnaît aussi les diététistes-nutritionnistes comme seules professionnelles de la santé dont la formation et la compétence portent sur la nutrition humaine.

En 2002, on assiste à un changement de définition du champ d’exercice. Ce dernier passe d’un énoncé succinct et réducteur vers une définition qui représente mieux la complexité de la profession.

Avant 2002

  • Élaborer des régimes alimentaires selon les principes de la nutrition et surveiller leur application.

À partir de 2002

  • Évaluer l’état nutritionnel d’une personne;
  • Déterminer et assurer la mise en œuvre d’une stratégie d’intervention visant à adapter l’alimentation en fonction des besoins pour maintenir ou rétablir la santé.

Les activités réservées aux diététistes-nutritionnistes

En 2003, des modifications au Code des professions entrent en vigueur. Elles décrètent que certaines activités professionnelles sont dorénavant réservées. Gagnant de l’autonomie, les diététistes-nutritionnistes peuvent maintenant élaborer des plans de traitement nutritionnel, et ce, avec ou sans ordonnance en vertu de leur champ d’exercice. Cette composante du traitement médical est réservée exclusivement aux médecins et aux diététistes-nutritionnistes.

En 2018, après plusieurs démarches (consultation, rédaction, révision), on note l’entrée en vigueur du Règlement sur certaines activités professionnelles qui peuvent être exercées par les diététistes.

Trois nouvelles activités sont alors réservées :

  1. Procéder au retrait définitif d’un tube d’alimentation;
  2. Administrer des médicaments ou d’autres substances, par voie orale ou entérale;
  3. Prescrire des formules nutritives, des vitamines, des minéraux, du matériel d’alimentation entérale et des solutions d’enzymes pancréatiques.

Cette nouvelle étape permet d’encore mieux encadrer la pratique de la profession et surtout d’assurer la protection du public.

Les diététistes du Canada

Plusieurs membres de l’ODNQ appartiennent aussi à l’association canadienne de la profession, Les diététistes du Canada (Dieticians of Canada), depuis 1996, date à laquelle elle a été complètement restructurée.

Cette association nationale a pour but principal d’accroître la visibilité des diététistes, de leur fournir des outils de perfectionnement, de développer la recherche et de favoriser la communication entre les diététistes du Canada. Elle entend ainsi supplémenter le travail des corporations provinciales, qui ont d’abord pour mandat de protéger le public. L’organisme se veut plus décentralisé et plus proche de ses membres.

À l’intérieur de l’association Les diététistes du Canada, l’ODNQ fait partie de la région Québec-Nord-Est et Est de l’Ontario, l’une des cinq régions de l’organisme canadien. On retrouve d’autres associations et regroupements au Québec, particulièrement dans le domaine de la nutrition clinique.

La diversification marquée des emplois

Les deux dernières décennies correspondent à une diversification accélérée des emplois occupés par les diététistes-nutritionnistes.

Ainsi, les étiquettes traditionnelles de diététiste clinicienne et de gestionnaire en santé publique ou communautaire ne suffisent plus à décrire les tâches. Actuellement, de nombreuses diététistes-nutritionnistes travaillent dans plus d’un secteur d’activité, mais la grande majorité exerce dans le domaine de la nutrition clinique (71 %). Environ 18 % des membres œuvrent en santé publique, 8 % en gestion des services d’alimentation et 2 % dans l’industrie agroalimentaire et pharmaceutique.

Près de 14 % des diététistes-nutritionnistes travaillent dans des secteurs transversaux, dont 4 % en communications, un secteur en forte hausse. L’enseignement et la recherche regroupent respectivement 10 % des membres, la recherche étant aussi un secteur en constante progression. Enfin, 24 % des diététistes pratiquent leur profession en tant que travailleur autonome.

Au 31 mars 2021, l’Ordre comptait 3200 membres. Le Québec est la 2e province qui compte le plus grand nombre de diététistes-nutritionnistes.

Les plus récents développements

En 2019, 8 professions, dont les diététistes-nutritionnistes, sont identifiées par le ministère de la Santé et des Services sociaux pour faire obligatoirement partie des équipes du Programme Agir tôt, qui vise à venir en aide aux enfants vulnérables du Québec.

En 2020, l’Ordre effectue des démarches afin de faire ajouter à son nom le titre de nutritionniste. Au printemps 2021, sa nouvelle appellation, l’Ordre des diététistes-nutritionnistes du Québec, inclut les deux titres réservés et utilisés, lesquels désignent la même profession.

Dans la lignée du changement de nom, l’Ordre procède à la transformation complète de son identité visuelle. Lors des célébrations de son 65e anniversaire, le 21 octobre 2021, une nouvelle image plus représentative de la complexité, de la rigueur et de l’esprit scientifique de la profession est dévoilée.

Un message sans équivoque est lancé : les diététistes-nutritionnistes possèdent un fort bagage scientifique et sont les seules expertes en nutrition. Au service de la population dans la promotion de saines habitudes de vie, toutes désirent contribuer à la santé de la population, peu importe leur secteur d’activité.

Les diététistes-nutritionnistes aujourd’hui

Loin des cours d’économie familiale, les diététistes-nutritionnistes d’aujourd’hui sont des professionnelles au solide bagage scientifique et humain. Elles possèdent des connaissances pointues dans plusieurs domaines (sciences sociales, biochimie, biologie, anatomie, physiopathologie, etc.). Leur formation leur permet d’accompagner les individus de tous âges qui veulent maintenir ou retrouver la santé.

Longue vie à une profession dynamique en constante évolution!